L’Inde est le seul pays au monde à avoir vu se créer sur son territoire, 4 religions : l’hindouisme, le sikhisme, le bouddhisme et le jaïnisme. On peut se demander quelle est la relation entre la femme et les religions indiennes.
La femme dans l’Hindouisme
L’hindouisme est la religion principale en Inde. Elle est pratiquée par environ 79% des Indiens. C’est aussi une des plus vieilles religions du monde. Elle est la mère des autres religions nées en Inde. C’est elle qui va déterminer la relation entre la femme et les religions indiennes.
La femme est essentielle au quotidien
Quand vous partagez la vie quotidienne d’une famille indienne durant quelques jours, vous serez surpris de voir que c’est la maîtresse de maison qui effectue les rituels quotidiens. De même, c’est elle qui dirigera les cérémonies domestiques durant les grandes fêtes religieuses. Enfin, c’est elle qui accueille les nouveaux arrivants avec des pujas de bienvenue. On pourrait donc penser que la femme est un élément central de la spiritualité hindoue, c’est l’âme spirituelle de la maison. Comme souvent en Inde, c’est beaucoup plus compliqué que cela.
Statut protégé de la femme dans les textes canoniques
Il y a deux séries de textes importants dans l’Hindouisme : les Védas et le Manusmrti.
Dans ce dernier aussi appelé Manava- Dharmasastra est un traité de loi du IIe siècle av J-C. En français, nous le connaissons sous le nom de Loi de Manu.
Ce texte comprend différentes règles qui s’appliquent aux femmes. Certains lui sont favorables d’autres non.
Il est clairement stipulé que maltraiter une femme met en colère les Dieux.
« Celui qui méprise une femme, méprise sa mère. Les larmes des femmes attirent le feu céleste sur ceux qui les font couler » Loi de Manu.
Un autre texte de référence est le Kama Sutra. Il est attribué à Vatsyayana. Dans celui-ci, il explique que les désirs féminins doivent être respectés. Il en va de son épanouissement nécessaire. Dans ce texte, il y a un refus net des mariages forcés. En effet, l’acte physique ne peut se faire qu’après une union intellectuelle entre les deux partenaires.
« Une jeune fille ne sera jamais comblée si les parents l’ont forcée, par cupidité, à prendre pour mari un homme aisé, sans se soucier de son apparence et de ses qualités (…). Même s’il est pauvre et insignifiant, mieux vaut un époux docile et maître de lui qu’un mari de très grand mérite qui possède de nombreuses femmes. »
— Kâma-Sûtra, III-4.
Mais la femme reste au service de l’homme
Dans la Loi de Manu, il y a aussi des passages qui indiquent clairement que la femme n’a pas de destin en dehors de celui de servir son mari.
« Bien que la conduite de son époux soit blâmable, bien qu’il se livre à d’autres amours et soit dépourvu de bonnes qualités, une femme vertueuse [sati] doit constamment le vénérer comme un Dieu »
On voit ici que la femme doit tout accepter de son mari. Le texte va plus loin en disant que son mari est son dieu. Cela veut aussi dire que, quoi que fasse un homme, il sera toujours supérieur à sa femme et aux femmes en général.
Dans un autre passage, on peut voir que la femme n’a pas le droit à son libre-arbitre. Elle doit toujours obéir à quelqu’un.
« Une petite fille, une jeune femme, une femme mûre, ne doivent jamais rien faire de leur propre autorité, même dans leur maison. Dans l’enfance, la femme doit être dépendante de son père, dans la jeunesse, de son époux, et si son mari est mort, de ses fils ; elle ne doit jamais jouir de l’indépendance. »
Enfin, en cas de stérilité de l’époux, les hommes de la famille peuvent venir « féconder » l’épouse.
« Lorsqu’on n’a pas d’enfants, la progéniture que l’on désire peut être obtenue par l’union de l’épouse, convenablement autorisée, avec un frère ou un autre parent. Arrosé de beurre liquide et gardant le silence, que le parent chargé de cet office, en s’approchant, pendant la nuit, d’une veuve ou d’une femme sans enfants, engendre un seul fils, mais jamais un second. » Ce passage ne nous dit pas qui autorise l’union.
Le rôle de la femme dans l’Inde moderne
Au XIXe siècle, il y a eu des réformes qui ont autorisé les femmes à être prêtres. Même si c’est assez rare, on a des exemples de femmes importantes dans la spiritualité hindoue.
La plus connue est sans doute Mata Amritanandamayi. Elle est plus connue sous le nom de Amma. Depuis 1975, elle dirige des cérémonies d’embrassades et délivre son enseignement autour de l’amour, du respect et de l’écologie.
Comme je le dis souvent, l’Inde est un pays complexe. Même si la religion majoritaire est défavorable aux femmes, les Indiennes ont obtenu le droit de vote avant les Françaises. L’Inde est aussi devenue le premier pays moderne à être dirigé par une femme et de nombreuses femmes ont eu un rôle politique important.
La femme dans le Sikhisme
Le Sikhisme est une religion née au XVe siècle dans le Punjab au nord de l’Inde. Cette religion se trouve à mi-chemin entre l’islam et l’hindouisme. Son fondateur Guru Nanak a dès l’origine parlé du rôle de la femme dans cette nouvelle religion. Le Sikhisme est la religion indienne la plus ouverte sur la question des femmes.
La femme selon Guru Nanak
Dès le début du sikhisme, Guru Nanak proclame l’égalité entre les hommes et les femmes. Les femmes sont donc pleinement autorisées à participer à toutes les activités religieuses du Gurudwara (temple). Elles peuvent chanter et faire chanter les hymnes aux fidèles. Elles ont même le droit de commander une armée en temps de guerre.
Il s’opposa à traiter les femmes d’impurs quand elles ont leurs règles.
En 1499 ; il déclara que « la femme fait se perpétuer la race » et donc nous ne pouvons pas « considérer la femme maudite et condamnée [quand] de la femme sont nés leaders et les dirigeants. »
Et les autres gourous
Le sikhisme compte 10 gourous humains et le Guru Grant Sahib, le livre sacré.
Amar Das, le troisième gourou sikh s’est prononcé contre le port du voile pour les femmes. Il a aussi chargé plusieurs femmes de superviser des communautés de disciples. Amar Das s’est opposé à la pratique du Sati (suicide de la veuve sur le bucher de son mari). Enfin, il a combattu les infanticides sur les nouveau-nés féminins.
Gobind Singh sera le dernier gourou humain dans le sikhisme. Il est enterré à Nanded dans le Maharashtra. Gobind Singh donna des instructions à la communauté de croyants, le Khalsa de ne pas s’associer avec ceux qui prêchent contre les femmes. Il s’est opposé fermement à ce que la femme soit traité comme un objet.
La femme et les religions indiennes : le Guru Grant Sahib
Le livre sacré des sikhs reprend tout ce que nous venons d’évoquer. Il est donc inscrit dans le marbre, la place importante de la femme dans la société sikh.
«De la femme, l’homme est né;
chez la femme, l’homme est conçu; à la femme il est fiancé et marié.
La femme devient son amie; à travers la femme, les générations futures viennent.
Lorsque sa femme décède, il cherche une autre femme; à la femme, il est lié.
Alors pourquoi l’appeler mauvaise ? C’est d’elle que naissent les rois.
De la femme, la femme est née ; sans femme, il n’y aurait personne du tout. »
– Guru Nanak, Raag Aasaa Mehal 1, Ang 473
« Toute autre dot, que les manmukh volontaires proposent pour le spectacle, n’est qu’un faux égoïsme et un affichage sans valeur.
O mon père, donnez-moi s’il vous plaît le Nom du Seigneur Dieu comme cadeau de mariage et dot. »
– Sri Guru Granth Sahib page 79
« Ne les appelez pas « sati », qui se brûlent avec les cadavres de leurs maris.
O Nanak, eux seuls sont connus sous le nom de « sati », morts du choc de la séparation.
… Certaines se brûlent avec leurs maris morts : [mais elles n’en ont pas besoin, car] si elles les aimaient vraiment, elles endureraient la douleur vivante. »
– Sri Guru Granth Sahib page 787
La réalité de la femme dans le sikhisme moderne
Une religion n’est jamais libre de son bassin culturel de naissance. Malgré les avancées sur la condition de la femme dans cette religion dès le XVe siècle, la réalité est différente.
C’est ce que montre cet incident en 2003, survenu au Temple d’Or d’Amristar. Deux femmes ont voulu célébrer une cérémonie et ont été empêchées par des hommes. Même si, depuis 1996, il n’y a aucune restriction pour les femmes. Malheureusement, la religion sikh s’est teintée de patriarcat comme la société indienne.
Il y a quand même des religieuses qui dirigent des communautés de croyants en Inde comme en Occident.
La femme et les religions : dans le Bouddhisme
Dans le bouddhisme, la question de la femme est assez complexe et diverse.
Les femmes et le Bouddha
Siddârtha Gautama, le bouddha historique, sera élevé dans un harem en présence de beaucoup de femmes. Lorsqu’il décide de partir du palais, il abandonne sa femme, Yasodharâ et son nouveau né, Rahula.
Il commencera son parcours spirituel avec des pratiques acétiques très dures. Lorsqu’il décide d’arrêter ces pratiques, c’est une femme, Sujata qui lui offrit son premier repas.
Après avoir atteint l’éveil, il faudra attendre 5 ans pour que les premières femmes rentrent dans la sangha, la communauté monastique.
Les femmes dans la sangha
Le premier qui ouvrira le débat sur l’entrée des femmes dans la communauté monastique, sera Sariputra ( Sariputtara). Il est le principal disciple du Bouddha. Quand la mère adoptive de Siddârtha voudra devenir nonne, celui-ci refuse. Face à cela, Sariputra demande des explications. Le Bouddha déclarera que faire rentrer les femmes dans la sangha fera mourir ses enseignements après 500 ans alors que sans elles, ils vivront durant 3000 ans. Sariputra discutera de nombreuses heures avec le Bouddha. Il réussit à le convaincre. Malgré tout, les femmes ont plus de règles à suivre que les hommes quand elles deviennent nonnes.
L’évolution de la place de la femme dans le bouddhisme
Dans le bouddhisme actuel, il y a trois courant: le Theravada, le Mahayana et le Vajrayana.
Dans le Theravada, le vehicule des anciens:
Ce courant est le courant orthodoxe du bouddhisme. Il applique les préceptes de Bouddha à la lettre sans interprétation. On le retrouve en Thaïlande, au Cambodge, au Laos, en Birmanie.
Pour eux, une femme peut atteindre l’éveil mais il lui faudra renaître dans un corps d’homme afin de pouvoir sortir du cycle des renaissances ou samsara. Dans le nord de la Thaïlande, de nombreux temples sont interdits aux femmes. Les nonnes sont assez rares et les grands maîtres sont généralement des hommes.
Dans le Mahayana, le grand véhicule:
avant sa mort, le Bouddha dit: » je vous ai montré un chemin, à vous de trouver le vôtre ». C’est cette phrase qui sera à l’origine du courant Mahayana. Ce courant introduit la figure du bodhisattva, c’est à dire un être qui est aux portes de l’éveil mais qui refuse le nirvana pour renaître et guider tous les êtres à atteindre l’éveil.
De nombreuses figures féminines vont apparaître dans le Mahayana. Par exemple, la version féminine de Avalokiteshvara, le bodhisattva de la compassion est Guanyin. Malgré tout, les nonnes ont toujours un rôle secondaire et plus d’obligation que les moines.
Dans le Vajrayana, le véhicule de diamant:
c’est la version ésotérique du bouddhisme. Le Vajrayana est surtout connu grâce au bouddhisme tibétain.
Dans celui-ci, la place de la femme est importante grâce à la figure de Tara, un bodhisattva central dans les rituels. Il faudra attendre le XXe siècle afin de voir la femme prendre une place plus importante dans le Vajrayana. Le XIVe Dalai lama, Tenzin Gyatso, a annulé les vœux supplémentaires des nonnes. Maintenant, les moines et nonnes ont le même nombre de vœux à formuler quand ils rentrent dans la communauté monastique. Il a même annoncé qu’il n’y avait aucun obstacle à ce que le prochain Dalai lama soit une femme.
Depuis le XVe siècle, Samding Dorje Pakmo Trülku est la troisième dans l’ordre hiérarchique de l’école Gelugpa après le Dalai lama et le Panchen lama. Toutes ses réincarnations ont été des femmes. A l’heure actuelle c’est Dechen Chökyi Drönma qui est la douzième réincarnation de Samding Dorje Pakmo Trülku.
La femme et les religions : dans le Jainisme
Le jainisme est né en même temps que le bouddhisme. Si ce dernier est né dans le Bihar, le jainisme est né dans le Gujarat. Ces deux mouvements sont nés en réaction au brahmanisme et à ses dérives. Le jainisme se concentre sur l’Ahimsa ou la non-violence.
Ceux que disent les textes
Les textes sacrés jains ne mentionnent en aucun cas le genre du croyant. Nous sommes tous égaux face au chemin qui mène à la libération. Cela vient du fait que l’on reconnaît à chaque être vivant le droit à une existence égalitaire.
Il existe de nombreuses figures religieuses et culturelles décrites comme des déesses et dans les légendes des Jinas, de nombreuses femmes ont joué des rôles importants. La «Sola Sati» ou les seize femmes vertueuses met en évidence des qualités religieuses exemplaires et sont imitées comme modèles par les femmes Jain.
Et dans la pratique
Il existe deux courants de penser dans le jainisme : l’école Diganbara et l’école Swetanbara.
Pour atteindre le renoncement total, il faut pratiquer le Moksha. C’est-à-dire abandonné tous ses vêtements et vivre complètement nu.
Pour l’école Diganbara, une femme ne peut pas accéder à ce stade et doit ainsi renaître en tant qu’homme pour pouvoir achever son parcours spirituel.
Pour l’école Swetanbara, cela n’est pas nécessaire. Une femme peut atteindre la libération dans sa vie de femme. C’est parce qu’on autorise les pratiquants à porter des vêtements même durant le Moksha que cette école permet aux femmes d’atteindre l’éveil.
Beaucoup de jains considèrent la femme comme inférieure et comme sa nature est de s’occuper des enfants, elle est dans l’incapacité de renoncer aux choses et donc d’atteindre la libération.
Voilà un petit tour d’horizon de la situation de la femme et des religions dans les spiritualités indiennes.
Le thème de la condition de la femme en Inde est un des nombreux thèmes abordés sur le groupe la communauté Yatree. Si ce thème ou d’autres vous interresse vous pouvez en apprendre plus sur la communauté Yatree.
Merci, j ai beaucoup appris!